
J’ai 22 ans et j’ai vu mon vagin pour la première fois. Je l’ai vu vraiment. Pas comme sur un schéma dans les livres d’écoles. Pas comme un dessin fantasmé dans de la littérature féministe. Non. Grâce aux ateliers d’auto-gynécologie des Flux, j’ai regardé mon vagin, le vrai, le mien.
Les ateliers d’auto-gynécologie ? Mais c’est quoi ?
Dans la vie en vrai, il y a peu de moments où tu prends le temps de te regarder l’intérieur du sexe. Je ne sais pas toi, mais moi, je n’avais pas l’habitude d’y mettre un miroir et d’observer ce qui avait à l’intérieur. Je laissais le boulot à ma sage-femme pour un suivi gynéco une fois tous les quatre matins. Et c’est tout.
Alors qu’en fait, se regarder, c’est s’apprivoiser, c’est se découvrir. C’est aussi être capable de capter quand une chose est inhabituelle et réagir en conséquences. C’est dans cette veine qu’a vu le mouvement self help. Etre capable de s’aider soi-même. Donc comprendre comment on fonctionne soi-même. Donc pratiquer l’auto-gynécologie. Grosso modo : se regarder.
On n’est pas médecins
Et on ne cherche pas à le devenir. Par contre, on veut récupérer le contrôle de cette partie du corps trop souvent cachée sous des fracas de pudibonderies. Le sexe existe. Même en dehors d’une relation sexuelle. Même en dehors d’une IST. Même en dehors d’une grossesse. Ce sont les trois principaux moments où on se rappelle qu’on a un sexe. Où on le trifouille, où on le touche, où il se fait toucher. Alors qu’au fond, tu peux aussi te rappeler que tu as un vagin tous les jours. S’observer, c’est déjà un premier pas pour une reconnexion avec soi.
Un cercle de femme revisité
Cluny et Chloé sont deux membres de l’initiative féministe Les Flux. Si tu ne connais pas le site, jettes-y un coup d’oeil. La newsletter reprend énormément d’information sur le corps féminin dans tous ses états et porte le doux nom de « La newsletter de ma chatte ». Mais si je t’en parles, c’est aussi parce que se sont presque les seules à proposer des ateliers d’auto-gynécologies ouverts à Paris.
C’est bien organisé, c’est libre à toutes les personnes qui ont des organes génitaux féminins et c’est gratuit. Une sorte de cercle de femme revisité en toute bienveillance, centré sur la réappropriation des savoirs gynécologiques.
Un atelier d’auto-gynécologie à Paris, comment ça se passe ?
Hé bien ça se passe bien doux raton ! Non, plus sérieusement, si tu veux participer à l’atelier que monte Les Flux, il suffit de t’inscrire sur leur site internet lorsqu’une date est disponible. Puis d’arriver et de te laisser guider. Je vais te raconter mon expérience qui vaut ce qu’elle vaut, si ça peut t’intéresser.
Pousser la porte dans un cocon de douceur
Je suis (évidemment, ceux qui me connaissent savent que c’est une running joke de ma vie) arrivée en retard à l’atelier. Dans un centre d’accueil à la naissance, l’atmosphère était douce, sereine et apaisante. Des tapis de yoga posés en cercles sur le sol, des coussins moelleux, des plaids. De la nourriture au centre à grand coup de houmous et de petits crakers. Et des feuilles de schéma posées devant chacun des coussins servant à délimiter les places des participantes.
Le cercle commence par un temps pris pour énoncer les règles du groupe. Ces dernières servent à créer un espace safe. On fait le point sur l’importance de l’anonymat, sur l’improvisation, sur la liberté de mouvement. Puis un premier tour de présentation. On retient quelques prénoms, on bafouille, on a le coeur qui bat un peu. Surtout, on est heureuse d’être là, curieuse, et on n’hésite pas à parler des sujets qu’on aimerait aborder. Tout est accueilli avec la sympathie des amitiés qui existent mais qu’on ne connaissait pas encore.
Parler de sexualité avec des inconnues
Le cercle commence avec les premiers sujets que nous avons souhaités aborder ensemble. Et les informations s’échangent. Les expériences personnelles, les conseils, les livres ou les professionnels de santé dont on rappelle les noms. On aborde sans pression des sujets qui enthousiasment ou qui effraient.
Cluny et Chloé prennent le temps de laisser chacune s’exprimer et n’hésite pas à rebondir sur nos échanges pour fournir des informations complémentaires. Elles font passer un stérilet de cuivre et on se rend compte à quel point il est petit et souple. L’objet tourne de mains en mains. Pour beaucoup, c’est l’opportunité de « voir », de mettre une image sur les choses qu’on a parfois dans le corps. De la discussion sur la contraception, l’arrêt des hormones, les méthodes de connaissance de son cycle comme la symptothermie, la conversation suit son cours et les thèmes que chacune avait proposée au départ.
On parle de désir, de relations sexuelles, d’injonctions qu’on se fait à soi-même, de rapports foireux, d’énergie. On parle de masturbation, de techniques, d’OMG Yes. On parle, on parle, on parle. Comme entre copines, comme entre soeurs. Les histoires et les ressentis se mêlent et s’entremêlent.
Comprendre son corps
Sur les schémas que nous ont distribués Cluny et Chloé, on peut voir l’appareil reproducteur représenté sous différents angles. On positionne les glandes de bartelin et le canal urétal. On se dit que d’un instant à l’autre, on va aller observer ça chez soi. On s’impressionne de voir une photo d’un col de l’utérus et on lui trouve une forme d’anémone de mer. On se rend compte que le vagin n’est pas une gaine à pénis mais ressemble à un accordéon chaud et humide dont les parois s’écartent.
On voit aussi des images de vulve, on parle de formes des petites lèvres, de pilosité naturelle. On se rend compte de la diversité des formes, des couleurs. « Cela ressemble donc à cela chez les autres ? Et chez moi, comment c’est en fait ? »
L’auto-observation en pratique
On nous explique comment se servir d’un speculum, on attrape un miroir, une lampe de poche, du lubrifiant et on y va. Les plus pudiques s’installent dans des petites cabanes de draps tendus entre des chaises. Les autres se mettent chacune dans leur coin. Toute afférée à la découverte de son sexe, on a pas le temps de regarder celui de la voisine. S’accouder au mur, se mettre accroupie. Fixer le miroir, tenir la lampe de poche. Et d’une main, déplacer. Regarder.
« Avez-vous réussi à voir le gland de votre clitoris ? L’urètre ? Les résidus de l’hymen ? » demandent les facilitatrices au fur et à mesure. A celles qui répondent que non, elles demandent s’il y a besoin d’aide et elles n’hésitent pas à venir pour tenir sa lampe de poche pour lui permettre d’avoir les deux mains libres. Et donner des conseils aussi. « Va plus par là. Soulève ça. Je pense que c’est par là. Ah ! C’est ici, tu y es. » C’est que c’est plein de plis et de petits recoins une vulve. On est loin du schéma tout lisse et asseptisé des cours de SVT.
On essaye de trouver son col de l’utérus. Avec les doigts d’abord. Il est censé avoir la texture du bout du nez. Il n’est pas forcément tout droit en entrant dans le vagin, il peut être sur un côté ou sur un autre. On cherche, à la recherche de son propre corps. Parfois, une exclamation surprise s’écrie « Je l’ai ! Il est là ! » Alors, on met du lubrifiant sur le speculum et on l’insère. Puis en l’ouvrant délicatement, on peut écarter les parois de ce vagin mystérieux et observer son col. Avec émotion.
La post observation
On arrête, parce qu’il faut bien arrêter et qu’il est déjà bien tard. Dehors, derrière les volets fermés, on devine la nuit qui est tombée petit à petit. Lavage de mains, rires, réfléxions. En se reformant, le cercle est beaucoup plus soudé. A croire qu’avoir regardé nos vagins ensemble, cela crée du lien. Chacune peut prendre le temps de dire ce qu’elle a ressenti en se voyant. De l’émotion, un sentiment bizarre. On nous rappelle que chaque émotion est légitime. Il n’est pas obligatoire de trouver son sexe beau. La beauté se construit. Personne ne viendra vous retirer le badge de la bonne féministe si vous n’avez pas tissé de lien enthousiaste avec cette partie de vous.
Mais dans l’ensemble, on en ressort heureuses, chargées de nouvelles perspectives. En repartant avec un speculum, on se dit qu’on pourrait tout aussi bien faire cette observation régulièrement chez soi. Et pourquoi pas, réunir assez de monde pour créer un nouvel atelier d’auto-gynécologie. Faire passer le mot. Permettre à chacune de prendre le temps de se réconcilier avec l’image de son propre sexe.
C’est génial que ce genre de cercle existe! Merci pour le partage!
Wooow ! Unusual mais extraordinaire pour partir à la rencontre de son propre corps. Merci pour ce partage d’expérience doux raton <3
Ah c’est marrant moi j’ai la curiosité très tôt, et la chance qu’il y a toujours eu de grands miroirs chez mes parents, dans toutes les maisons qu’on a eues.