raton reveur blog j'arrete la pilule

Il y a peu de choses qui m’agacent autant que l’entêtement borné. Mais quand l’entêtement borné touche aussi les pouvoirs publics et la santé en règle générale, ça me hérisse franchement le poil. J’ai mis plusieurs mois à me décider d’arrêter la pilule, sans m’être réellement renseignée sur le sujet. Je me sentais surtout mal à l’aise de me dire que j’aspirai à un mode de vie plus sain mais que je prenais tout de même mon concentré d’hormones tous les matins. Je ne la prenais déjà plus depuis quatre mois lorsqu’est sortie la conférence de Sabrina Debusquat. C’est une journaliste indépendante qui a écrit le livre « J’arrête la pilule » après avoir fait plus d’un an de recherches, de sondages et de regroupement de sources scientifiques.

La conférence

Pour avoir été à la conférence, je pense que je peux dire que Sabrina Debusquat est quelqu’un de franc et d’impliqué. En tout cas, c’est l’énergie qu’elle dégage. C’était beaucoup plus petit que ce à quoi je m’attendais car nous n’étions pas plus de trente, agglutinés dans une librairie. Pas nécessairement de tonalité alarmiste, si ce n’est une vérité froide et presque las. On comprend que le travail a été de longue haleine et que les découvertes ne sont pas joyeuses. On comprend aussi que les détracteurs sont nombreux.

Il n’y avait pas d’hommes dans la salle. Sauf un. Délégué par Henri Joyeux, qui n’a pas cessé de lui couper la parole à la fin de la conférence pour essayer de la convaincre de venir en conférence sur scène avec eux. Et c’est limite s’il ne lui a pas dit quelque chose comme «  Ecoutez mon petit, je sais ce qui est bien pour vous ».

C’est vrai que quand on parle de pilule, on s’attend nécessairement à voir plus de femmes concernées par le sujet. Mais pitié, garçons qui lisez ces lignes, impliquez-vous un peu. Allez à des conférences féministes, ouvrez-vous, confrontez-vous à des problématiques réelles et arrêtez de croire qu’elles ne vous concernent pas. Elles concernent une mère, une soeur, une amie, bref, l’autre moitié de la planète doté d’un sexe féminin que vous êtes amenés à côtoyer tous les jours. Et nous, vous ne serez pas rejetés. Ne vous cachez pas derrière le fait que « les féministes c’est des méchantes ». Il y a des femmes blessées, des femmes vindicatives ou juste des personnalités bourrues, mais c’est comme partout. Et ça ne représente pas la totalité du mouvement.

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Elles ne sont donc pas toutes méchantes. Mais quelle folie.

La difficulté de parler d’un sujet tabou

Bien sûr que non, Sabrina Debusquat ne parle pas d’un sujet facile. Presque tout le monde prend la pilule et personne n’a envie de savoir qu’elle est vraiment dangereuse pour la santé et pour l’environnement sur le très long terme. Oui, il y a des cas d’embolies et des risques d’AVC. Mais on balaie le problème d’un revers de main en se disant que ça ne peut pas nous arriver. Qu’il suffit de faire des check avec des prises de sang régulières. C’est comme la petite notice de choc toxique sur les tampons. Ca n’arrive qu’aux autres, ça, non ?

Les migraines ? La facilité à pleurer pour un rien ? Les émotions en chute libre ? La libido en yoyo ? Des effets secondaires comme d’autres. Mais bon, après tout, la pilule c’est quand même la meilleure façon de ne pas tomber enceinte, d’arrêter d’avoir des crampes menstruelles et de résoudre ses problèmes d’acné ? Non ? Non.

Moi j’en ai ma claque de la dissonance cognitive appliquée à toutes les échelles.

On est contre les perturbateurs endocriniens, mais on en avale un consciemment tous les jours. On se bousille la santé, lentement, sûrement à petit feu. Et tout le monde trouve ça normal. Personne ne dit rien. J’ai été voir une sage-femme avant d’arrêter ma pilule me disant qu’elle serait sans doute plus à l’écoute qu’un gynéco. Que nenni. J’ai eu droit à « Vous êtes jeune, ça va, le corps s’habitue. Je peux même vous en prescrire une remboursée par la sécurité sociale. » Rien sur mes craintes et mes petites recherches écartées avec un geste compatissant. Il y avait anguille sous roche.

Les retombées social media – La désinformation

Bref. Moi j’ai trouvé beaucoup de réponses dans le livre de Sabrina Debusquat. Des réponses plus rapides et plus claires que lors de mes longues pérégrinations sur internet. Et son livre est d’autant plus agréable que chaque page ou presque est appuyée par une base de source fiable et une bibliographie et webographie plus longue qu’on ne peut l’imaginer. Tout ne rentrait pas à l’intérieur. Mais elle nous affirme pouvoir donner plus de sources sur demandes.

Et ce qu’on a vu après la sortie du livre ? Une blogosphère et des médias qui s’enflamment. Pour lui lancer des cailloux. J’ai trouvé ça si relou et aberrant que j’ai décidé de reprendre point par point les arguments de ses détracteurs pour y répondre calmement.

 

L’âge de pierre du contraceptif

« Une fois qu’on est sortie de la pilule et du stérilet et bien on retourne un peu à l’âge de pierre contraceptif. »

Beaucoup critiquent la phrase de Sabrina Debusquat en prétextant que non, à l’âge de pierre il n’y avait pas de contraception d’urgence, de diaphragme, d’éponge ou de préservatif. L’âge de pierre contraceptif, c’était l’introduction d’eau froide pour tuer les spermatozoïdes ou divers breuvages à base de miel et d’excréments de crocodiles *C’est vrai qu’on fait beaucoup de très belles avancées technologiques. Mais on est en 2017, et on n’a toujours pas de contraceptif pratique, non dangereux pour la santé et non invasif. Merveilleux.

Prenons toutes les méthodes de contraception décrites comme joyaux de la technologie moderne.

La contraception d’urgence.

Alors en fait, non, je suis désolée, s’il y a écrit « urgence » dans le nom, c’est qu’on ne peut pas l’utiliser tous les jours. Elle ne devrait même pas faire partie des listes de contraceptif qui peuvent remplacer la pilule.

Le diaphragme.

Petit appareil inventé en 1882. Le diaphragme est une sorte de barrière qui se met à l’entrée du col de l’utérus et qui se retire après au moins six heures après le rapport sexuel. Facile, non ? Non. Parce que le diaphragme doit être mis en place avant le rapport sexuel et que ce n’est pas aussi simple que de mettre une capote. On préconise un rendez-vous avec un gynécologue ou une sage-femme pour la première mise en place, c’est pour dire. Quand on sait qu’une bonne proportion des jeunes filles ne sont déjà pas à l’aise avec leur corps et qu’il y a des progrès à faire en matière de connaissance de soi, on comprend que ce n’est pas une contraception applicable à tout le monde.

L’éponge

L’éponge. Qui.Utilise.Des.Éponges.Dans.Son.Vagin ? Qui ? En matière de contraception j’entends ? Alors oui, on peut utiliser un morceau de corail et le mettre dans son vagin imbibé de gouttes de citron. Tout comme un gars peut mettre un boyau de cochon sur son pénis en guise de capote. Mais personne ne le fait. Après si votre délire c’est les boyaux de cochon, je ne vous juge pas. On est libres.

Le préservatif.

Le préservatif a été inventé au 16ème siècle. Donc il y a longtemps, en fait. Pour la petite histoire il était initialement fabriqué à partir de papier de soie huilée, d’écailles de tortues ou de cuir. Dans certaines régions, on l’utilisait il y a plusieurs millénaires pour protéger le pénis lors des déplacements et l’éviter de s’accrocher aux branches. Certes, on a fait de très beaux progrès en ce qui concerne la matière et la texture. Mais on utilise bel et bien toujours une technologie qui remonte à l’âge de pierre que de plus en plus de couples délaissent. Rappelons que plus d’un tiers des étudiants ne mettent pas de capotes. Que la plupart des couples stables demandent des contraceptions moins invasives et qu’on note toujours des irritations à cause de l’usage du préservatif, même sans latex.

Les décès des femmes sous pilule

« Aujourd’hui, on a plus de femmes qui vont décéder de leurs pilules chaque année que de violences conjugales. »

Ce que je regrette le plus dans cette phrase, c’est qu’elle est souvent été utilisée sortie de son contexte. A la lire comme ça, on pourrait la trouver grotesque, irrespectueuse, démagogique. Pourtant, à tous ceux qui pensent que prendre la pilule est moins dangereux que vivre une grossesse en arguant le risque d’embolie aussi élevé, je tiens à dire quelque chose. Il n’est pas nécessaire de prendre la pilule ou tout autre contraceptif hormonal pour ne pas tomber enceinte. Il existe des méthodes naturelles, qui ont un indice de Pearl aussi élevé que celui de la pilule et qui ne sont pas la fameuse méthode Ogino de nos grands-mères. Dire aux femmes  » Prenez cette pilule, parce que vous risquez de vivre encore pire », c’est complètement renier l’apprentissage de son cycle et lui redonner la main sur sa contraception/conception. Je dirai même que c’est incroyablement infantilisant.

Autre chose vraiment très marrante -non- que j’ai pu lire chez les détracteurs de l’ouvrage. A priori, la pilule aide à se protéger du cancer.

LOL.

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Ah bah oui, excusez moi. Gen.tes qui faites des recherches en labo sur le sujet. La solution est toute trouvée en fait : prescrivez la pilule à tout le monde !

 

La pilule, dangereuse pour soi et pour les autres ?

Partie pas marrante que je vais essayer de résumer très brièvement en faisant des raccourcis enfantins pour ne pas tomber dans le pathos.

Quand tu fais pipi et que tu tires la chasse, les hormones de synthèse que tu as ingéré se retrouvent dans la nature. Parce qu’on a absolument rien pour les traiter à l’heure actuelle. L’eau c’est la maison des poissons. Et toi -tu n’es pas encore végétalien- tu manges des poissons. Donc tu manges des hormones.

Quand tu veux avoir un bébé, ton corps puise dans les graisses à l’accouchement et pendant l’allaitement. Dans les graisses, tu as des petits stocks d’hormones. Pof, tu les transmets à ton bébé.

Bien sûr, ce ne sont que des résumés très très grossiers. Parce que le bouquin fait bien 200 pages et même s’il est vulgarisé, c’est toujours un peu compliqué de synthétiser des arguments scientifiques sans spoiler des phrases entières. Et c’est la dernière chose que je veux faire. Parce que je vous encourage grandement à lire ce bouquin.

Faut-il lire le livre « J’arrête la pilule » de Sabrina Debusquat ?

Oui. Si vous voulez arrêter la pilule.

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Bah oui, j’allais pas vous dire l’inverse

Je ne cacherai pas que ce livre est très, très, très déprimant – j’ai mis trois fois « très », c’est pour dire-. Des amies m’ont reprochée qu’il était alarmiste. Je ne pense pas qu’il le soit fondamentalement plus qu’une littérature de dénonciation comme une autre. Non, ce n’est pas joyeux.

Non, ce n’est pas joyeux d’apprendre les origines de la pilule. De savoir qu’elle a été financées par des eugénistes qui voyaient une bonne façon de maintenir la natalité des minorités ethniques dans un contexte de guerre froide. J’écrirai un jour un article sur la stérilisation forcée des minorités ethniques au XXème siècle, je le jure.

Ce n’est pas joyeux de se rendre compte que contrairement à ce qu’on nous dit, la révolution sexuelle avait statistiquement commencé bien avant la mise sur le marché de la pilule contraceptive. Et que cette dernière a dans bien des cas joué le rôle d’un double tranchant malaisant où de nombreux hommes pensaient qu’ils pouvaient disposer à loisir du corps des femmes maintenant qu’elles ne pouvaient plus tomber enceinte.

Ce n’est pas joyeux de lire que la pharmacovigilance balaye depuis des années des effets secondaires dits « bénins » qui peuvent quand même être à l’origine de dépression, de douleurs, de saute d’humeurs, très très agaçantes. Ce n’est pas parce que je suis une femme que je veux qu’on me colle l’étiquette « d’hystérique » sur le front à la moindre occasion. D’apprendre aussi que les études sur la pilule sont la plupart du temps financé par des laboratoires privés. Que les essais sur les hommes ont rapidement été arrêté au moindre problème alors qu’on laisse des milliers de femmes vivre avec des effets secondaires tous les jours.

Ce n’est pas joyeux de lire tous les cas graves. Les paralysées à vie, les mortes. Toutes celles qui ne savaient pas qu’elles prenaient un médicament dangereux tous les jours.

Ce n’est pas joyeux de se rendre compte qu’il s’agit de conséquences à long terme pour soi, mais aussi pour les autres.

Ah non, ce n’est pas joyeux du tout la pilule. Vous êtes prévenus.

Mais alors, on se protège comment ? On fait quoi ?

Déjà, on lit le bouquin et on ouvre le débat. Le plus possible, partout, tout le temps. Surtout avec des garçons. Parce qu’il faut qu’ils se sentent aussi un peu impliqués dans le sujet.

Ensuite, je n’ai pas de recette magique. Je suis personnellement passée à la symptothermie depuis six mois et c’est une méthode contraceptive qui me convient bien. Mais il y en a d’autres. Et nous pouvons élever nos voix pour que la recherche en crée d’autres. Pour nos corps, pour notre santé, pour tout. Nous devons prendre ce droit.

 

Et vous ? Vous prenez la pilule ? Quel est votre avis sur la question ?

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