Parfois j’ai envie d’écrire sur Raton Rêveur de façon organisée, avec un beau planning édito, des thèmes qui sont cohérents et tout ce qui va bien. Puis je me souviens que Raton Rêveur, c’est aussi le lieu de mes doutes, de mes peines, de mes angoisses et de mes projets. Et que c’est de là que vient la beauté.

Depuis quelques temps, je fais une énorme fixette sur la périnatalité.

Une fixette plus grosse que moi. Je ne sais pas précisément pourquoi ni comment ça a commencé. Mais ça m’a collé la peau au point que je ne pense pas pouvoir m’en débarrasser un jour. J’ai entendu parler des doulas pour la première fois il y a deux ans, quand j’étais étudiante en Australie. L’idée a mûrit, macérée, grandie. Et cette année, j’ai enfin osé la verbaliser : je veux accompagner émotionnellement les femmes et les couples dans leur grossesse et leur postnatal.

Un monde s’est ouvert à l’intérieur du monde

Je me suis sentie autrefois être une jeune fille naïve et très fleur bleu. Avec l’envie d’un bébé poupon à gazouiller de partout. Ce désir d’enfant grandissait au fur et à mesure que je m’épanouissait dans ma vie et dans ma relation de couple. Ca devenait infernal. Tu finis par le vouloir tellement que tu en pleurerai, même si c’est irresponsable. J’ai commencé à grignoter ça et là des blogs de mamans, des forums et des groupes Facebook. De Feminist Parenting Club à Objectif Bébé Bio, tout un élan de communauté qui parlaient de crevasses aux seins, de layettes et de diversification alimentaire.

Je me suis toujours empêchée d’acheter des objets à bébés, sinon je serai capable d’en avoir un plein placard rempli d’écharpe de portages et de mouche bébés. Une passion obsessionnelle je te dis.

Puis j’ai fouillé. Quand ma candidature à la formation de l’institut des doulas de France a été refusée cette année, ça a été une grosse douche froide. Mon coeur a loupé plusieurs battements et bon grès mal grès je te dirais que j’ai mis du temps à m’en remettre. Et j’ai décidé que l’univers avait raison. Que j’étais encore bien tendre au sujet de la périnatalité, qu’en fait, je n’y connaissais rien, que j’avais besoin d’apprendre et de découvrir avant de me lancer.

Un monde dans le monde je te dis

Un monde sans édulcorant, sans le filtre rose des histoires de grossesse. Un monde de dépression postpartum, d’interruptions médicales de grossesses, de relevailles, de souffrance, de beaucoup beaucoup de souffrance et de silences non dits. Ce jour là j’ai été sonnée. Et je me suis dit que je ne voulais pas d’enfant.

Je ne veux pas d’enfant. Je veux aider les femmes qui ont des enfants.

Il y a de ces pensées obsessionnelles qui ne font pas de sens si tu les laisses rouler en rond sur elles-mêmes. Et celles qui grandissent, qui murissent et qui galopent dans les plaines. J’ai réalisé que je ne pouvais pas faire tout ce que je voulais avec un enfant dans les pattes. Aussi mignonnes soient les layettes en chanvre bio. J’ai réalisé qu’un enfant, c’était la mort de soi, une renaissance autrement. Et que je n’avais pas encore vu tout ce que je voulais voir dans cette vie là. Ma vie d’ado sauvage, ma vie de bohème, ma vie d’aventurière, ma vie d’exploratrice, ma vie de guérisseuse.

J’ai aussi réalisé que je n’étais pas d’accord avec une bonne partie du système. Pas d’accord avec la façon d’accoucher en maternité classique. Pas d’accord sur le rythme métro-boulot-dodo. Pas d’accord sur le système éducatif. Pas d’accord sur l’absence de maternage. Pas d’accord, juste pas d’accord.

Une part de moi a envie d’aller élever des enfants quelque part dans un village paumé près des champs. L’autre de faire bouger ce contre quoi je proteste.

Et ça a été dur. Dur d’oser dire haut et fort :  » Je veux oeuvrer pour les naissances respectées. » J’ai souvent pleuré. Pleuré de rage, d’impuissance, de solitude. Etre si jeune, si tendre encore, si faible. Et avoir une ambition plus grosse que soi. J’ai lutté, j’ai bataillé contre mon syndrome de l’imposteur et je me débat avec tous les jours encore. Ca a été des choix :

  • Décider de spécialiser mon cabinet d’hypnothérapie en périnatalité et en accompagnement du féminin
  • Oser pousser la porte d’une maison de naissance pour être bénévole, même si je n’ai pas d’enfants
  • Tenir tête aux associations de deuil périnatal et insister pour oser toucher à des sujets pas évident malgré mon jeune âge

Et la peur, la peur au ventre. Celle de ne pas être légitime. Celle d’être une moins que rien. Celle de voler la place de quelqu’un d’autre. Celle d’être incapable.

Désolée. J’aimerai me dire que je suis désolée.

Désolée de ressentir une joie sans nom quand on parle d’haptonomie. Désolée d’avoir une passion de zèbre pour les deuils périnataux. Désolée de me retrouver à parler d’accouchement avec toutes les femmes qui ont des enfants que je rencontre. Dans la file du supermarché ou après une réunion dans les bureaux où je fais des missions en freelance. Désolée d’avoir le coeur qui bat à en vomir à chaque fois que je dévore un bouquin sur l’hypnonaissance, le chant prénatal, le yoga postnatal et tous ces machins là.

A mi-chemin entre « C’est EXACTEMENT ça qu’il faut faire ! » /  » Je veux vivre ça »/ « Je veux que tout le monde puisse vivre ça »/ »Je suis si, si, si, triste et si désolée pour toutes celles à qui on n’a pas laissé le choix. »

Parce qu’à l’heure actuelle, en dehors des milieux un peu alternatifs il y a cette sensation froide et visqueuse qu’on ne te laisse pas des masses le choix. Moi, quand j’ouvre suffisamment la porte aux gens pour me parler de leurs accouchements, les 3/4 du temps, je reçois une belle flopée de larmes.

Dans la vie en vrai, le rêve ressemble à ça :

Dans la vie en vrai, je veux être doula. On n’en vit pas. Et je m’en fiche. Je veux juste savoir tout ce que je peux sur le sujet. Plonger à l’intérieur encore et encore. Je suis déjà bien dedans. Je veux me noyer davantage.

Dans la vie en vrai, je veux organiser des blessingway. Et des rituels de passage pour la mort périnatal. De la douceur. De la poésie. Du beau.

Dans la vie en vrai, les RITUELS et le sentiment de COMMUNAUTE sont des valeurs que je veux porter à bras le corps. Je n’en peux plus que ça se soit perdu. Et ça me tue à chaque fois que j’y pense. Dans quelle mesure on a réussi à créer un monde où on est à la fois si proches et pourtant si loin ?

Dans la vie en vrai, je veux qu’on se rappelle que la grossesse n’est pas une maladie mais une phase si empouvoirante, si puissante.

Alors oui, des tas de trucs roulent en vrac dans ma tête

L’hypnonaissance, les soins rebozo, les retraites de femmes enceintes, les blessingways, les rituels de deuils pour les IVG, les soins palliatifs du nourrisson, les doulas, le tantra, l’aide à la personne, l’écoute active, la CNV, la méditation, le yoga. Et tout ce joyeux bazar qui fait que ma vie est ma vie. Je me sens encore toute enfant, exploratrice de terres vierges. Je ne sais pas ce qui me fascine le plus entre le postnatal, le prénatal et les accouchements. Un peu de tout sans doute. Même si le prénatal m’appelle. Même si la question du deuil éclaire mon chemin à chaque fucking pas sans que je comprenne d’où elle vienne. Je suis perdue. Juste perdue.

Mais que j’aime avancer sur ce chemin. Un si doux chemin.

Merci à mes amies du cercle de lune qui m’entendent parler de cet objectif doula tous les mois. Merci aux doulas que j’ai rencontrées et qui m’inspirent. Merci aux copines gynécologues et sage-femmes qui m’encouragent. Merci aux followers de l’Instagram qui suivent mon périple. Merci à M.Raton de ne jamais se lasser, ni s’effrayer de m’entendre parler bébé. Merci à moi d’avoir confiance en moi.

Une maison de naissance de luxe, des retraites autour du parcours initiatique de la grossesse, un collectif de thérapeute spécialisé dans le périnatal, des accompagnements au deuil périnatal poussé ou une marque de snacks pour femmes enceintes véganes. Où me mènent mes pas ? J’en sais rien. Je m’en fous. J’avance.

 

 

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